Lanskelir

De Taleius

La fable de Lanskelir, ou le voyage par delà le ciel

Oyez oyez braves gens, fils et fille de bonne famille, rejetons des rues, petits et grands ! Venez ouïr les actes de bravoure passés, laissez vous bercer par la fable de Lanskelir…

Du temps où les monts s'étendaient jusqu’aux cieux, où les forêts étaient encore vives, où les lacs n’étaient que plaines et les mers moins nombreuses, vivait un homme solitaire, grand amoureux de la nature, du ciel, des nuages, des animaux et de tout ce qui vivait.

Curieux et naïf, il parcourait les vallées et les marais, les déserts et les forêts, semant sur son passage les graines de la compassion et apportant sa sagesse aux populations. Partout où il passait, la nature lui souriait. Les grottes les plus sombres s’éclairaient sur son passage. Les lacs les plus froids s'adoucissaient devant ses pas. Les montagnes les plus hautes courbaient l’échine pour alléger son voyage. Les animaux les plus vils cherchaient à se racheter auprès de lui. Les êtres les plus bons pleuraient de joie de croiser sa route. Les êtres les plus mauvais expiaient leurs fautes à sa vue. La terre d’ici bas et toutes ses créatures l’aimaient tellement que le ciel en vint à le jalouser.

Un matin, alors que Lanskelir soignait une biche blessée, le ciel décida d’agir. Soufflant, mugissant haut dans les montagnes, il précipita la neige sur les flancs du plus haut des monts en direction de celui qui éclipsait sa grandeur. Mais la biche, sentant arriver le danger, prévient l’aimé des bêtes et, avec toutes les créatures des bois, ils s’abritèrent au sommet d’une colline. Il observa le ciel, lui sourit, rit et pardonna.

Un jour, alors que Lanskelir étanchait sa soif à un cours d’eau frais, le ciel s’approcha de lui, prêt à abattre celui qui parvenait à lui faire de l'ombre. Tournoyant, fulminant, il décrocha l’une des nombreuses étoiles du firmament et l'envoya s’écraser sur l’aimé des eaux. Mais le cours d’eau, renvoyant le reflet du danger, permit à Lanskelir d’échapper à son triste sort. Il observa le ciel, lui sourit et pardonna.

Un après-midi, alors que Lanskelir dormait sous les ramures d’un immense chêne, le ciel se pencha sur le monde, saisissant ce moment d’inattention pour faire vibrer sa colère sur celui qui faisait pâlir son éclat. Frappant de toute sa fureur, il lança sur l’aimé de la terre sa puissance. Alerté par le craquement de l’orage, le chêne étira ses branches, encaissant la fureur des cieux de tout son être. Réveillé en sursaut, Lanskelir s’en alla chercher le ruisseau et sauva l’arbre millénaire. Il observa le ciel et pardonna.

Une nuit, alors que Lanskelir était auprès d’un village pour partager ses voyages et ses histoires, le ciel s’invita au-dessus de la population qui accueillait celui qui brillait plus que lui. Se tordant, se déchirant, il fit hurler le vent, tomber la pluie, tant et si bien que les maisons furent arrachées du sol, emportant femmes, hommes et enfants. Ne restait plus que Lanskelir, retenu par la terre. La tempête passée, il observa le ciel. Mais il ne pardonna pas.

Décidé à agir, il prit la direction du nord, s’en allant chercher conseil auprès de son jeune ami à la grande sagesse, le dragon d’argent. Avec son aide, il retourna la force du ciel contre lui et se servit de sa plus grande fierté. Avec son aide, il créa pour la première fois de ses propres mains. Pour la première fois, il ne souriait pas. Pour la première fois, il tenait de quoi se défendre. Pour la première fois, il s'élevait contre autrui. Et pour la dernière fois, son cœur se ferma.

Il partit aux confins du monde, cherchant le point où le ciel et la terre s’effleuraient, où les éléments se déchainaient, où il affronterait celui qui lui voulait tant de mal. Les animaux s’écartaient sur son passage. Les ruisseaux se taisaient à l’approche de ses pas. Les montagnes tremblaient sous son poids. Les êtres s’abritaient en le voyant approcher. La terre pleurait.

Enfin, il atteint les plus hautes montagnes du monde. Par trois fois, il trouva l’endroit. Par trois fois, le ciel lui échappa. Par trois fois, le ciel se moqua. À l’aube de sa quatrième tentative, il agrippa le ciel, le tirant sur la terre dans une étreinte sauvage et impitoyable avant de s’élancer avec lui vers les confins des cieux, bien au-delà du firmament. Et depuis, le ciel ne jalouse plus celui qui l’outrepassa. Car plus jamais on ne revit Lanskelir. Et la terre pleure toujours.